Les légendes des Alpes, si elles sont nombreuses, sont pour beaucoup méconnues. Après celles du lac d’Annecy avec la Dame d’Angon et la Fée du Lac, nous vous proposons d’en découvrir une qui se déroule au bord du lac du Bourget : la légende de la Dent du Chat.
Une pêche bien maigre
Il y a de ça plusieurs siècles, un pêcheur répondant au prénom d’Antoine vivait au pied de la montagne qui surplombe le lac du Bourget. Dès le lever du soleil, l’homme quittait sa cahute pour aller pêcher. Mais un matin, alors qu’aucun poisson ne montrait signe de vie, Antoine se fit une promesse : offrir aux dieux le premier poisson qui mordrait à l’hameçon en le remettant à l’eau.
Une promesse entendue
Ce qu’Antoine ne savait pas, c’est que les dieux entendirent son appel. Quelques secondes plus tard, il remonta ainsi un poisson de très belle taille, qui se vendrait certainement cher au poids. Bien que sa promesse lui revienne en mémoire, le pêcheur décida de ne pas relâcher sa prise dans les eaux limpides du lac du Bourget.
C’était décidé, il ferait offrande du suivant aux dieux. Antoine relança donc sa canne à pêche … qu’il put relever aussitôt ! Au bout, un poisson encore plus gros et plus frétillait. Si une petite voix lui intima de relâcher sa prise, le pêcheur pensa avant tout à sa femme et à ses enfants, qui attendaient impatiemment de pouvoir manger. Encore une fois, il conserva le poisson.
Une prise inattendue
La troisième prise fut pour le moins inattendue. Le poids de la ligne annonçait un poisson d’une envergure supérieure au second. Pourtant, il n’en fut rien. Antoine sortit de l’eau un chaton noir. L’hameçon s’était accroché à sa patte. Le pêcheur délivra l’animal et décida de le ramener chez lui. Il servirait à chasser les rats, qui faisaient toujours un festin de la nourriture de la famille. En parallèle, les poissons semblaient être partis.
Un chat quelque peu spécial
De retour chez lui, Antoine montra les poissons à sa femme, qui ne s’en émeut pas pour autant. Un trait de caractère propre à celle-ci et qui n’étonna pas le pêcheur pour autant. Pas peu fier, il décida alors de lui présenter le chaton. La seule réaction de sa femme fut un haussement d’épaules, puis de le donner doucement aux enfants.
Un chat de la taille d’une panthère
Le chaton grandit à une vitesse fulgurante. À tel point que, rapidement, il atteint la taille d’une panthère.
Quel ne fut donc pas le soulagement d’Antoine et de sa femme quand l’animal quitta la maison. Malheureusement, celui-ci n’avait pas oublié le chemin de la cahute, loin de là. Régulièrement, il revenait et effrayait les habitants.
Il faut dire que son aspect était plutôt repoussant : poil couleur suie, des griffes aussi aiguisées qu’un sabre, des yeux verts tellement perçants qu’ils vous aveuglaient la nuit. Et lorsqu’il avait faim, le chat broyait ses proies avec une aisance déconcertante.
Un chat invulnérable
Malgré les battues organisées par les villageois, le chat résistait encore et toujours. Tandis qu’enfants et femmes disparaissaient. De son côté, Antoine avait bien compris que la bête était un châtiment des dieux. Mais rien ne pouvait y faire. L’animal s’était proclamé gardien du col de la Dent du Chat et dévorait toujours la vingtième personne à vouloir le franchir.
Mais une nuit, ce fut au tour d’Antoine et de sa famille de faire les frais de la rage du chat. C’est un muletier italien qui les trouva, morts sur le seuil de leur porte.
Ce qu’il advint du chat
La légende aurait pu s’arrêter là et le chat de la taille d’une panthère aurait pu continuer à faire régner la terreur au bord du lac du Bourget. Mais un jour, un jeune soldat qui rentrait de congé tenta de passer, bien qu’il fut le vingtième.
Après avoir fait bénir son fusil par le curé, il se lança à l’assaut du col. La bête l’attendait, juchée sur un rocher. Lorsqu’elle lança son attaque, le jeune militaire tira un premier coup qui atteignit le chat qui avait débuté son saut. Au second, l’animal fut projeté par-delà la falaise. C’est ce coup de grâce qui l’envoya au fond du lac.
Un croc à l’origine de la Dent du Chat
Il se dit qu’en voulant se rattraper, le chat laisse un de ses crocs plantés dans la montagne. C’est lui qui aurait donné sa forme à la montagne connue sous le nom de Dent du Chat. Selon la légende, l’animal aurait aussi repris vie dans les tréfonds du lac. Et lorsque sa colère gronde et que ses poils se hérissent, de brusques frémissements feraient chavirer les barques …
© A Boubred